Dialogue avant de partir

Passage

J’ai passé mon enfance dans les jardins suspendus de Babylone
Et l’école buissonnière, dans les gares devant les trains en partance
Maintenant, j’ai fait courir tous les trains derrière moi
Bâle-Tombouctou
J’ai aussi joué aux courses à Auteuil et à Longchamp
Paris-New York
Maintenant, j’ai fait courir tous les trains tout le long de ma vie
Madrid-Stockholm
Et j’ai perdu tous mes paris
Il n’y a plus que la Patagonie, la Patagonie, qui convienne à mon immense tristesse, la Patagonie, et un voyage dans les mers du sud
Je suis en route

(Blaise Cendrars, La Prose du Transsibérien)

- Voilà. Dans moins d’une demi-heure, tu prends le RER local pour faire San Sebastián-Hendaye, et ensuite le TGV jusqu’à Paris. Avec qui je vais chanter Dire Straits, maintenant ?

- Bah c’est peut-être le moment de changer de refrain. Sortir des terrains balisés, des mélodies trop connues. T’es prêt à perdre pied ?

- Ouais, enfin pas tout de suite, d’abord Madrid, c’est presque chez moi… Ensuite, quand je me retrouverai avec un autochtone qui me montrera sa collection de moteurs de lave-linges, je t’écrirai. Et maintenant le cliché : ça fait juste une semaine, tu le crois ?

- C’est toujours pareil, il y a des mecs qui ont passé ces sept jours à bosser pour un hebdo lausannois et le temps leur a paru très ordinaire, il y a un vieux copain de vallon qui a passé la semaine à regarder le lac depuis son balcon et le temps lui a paru suspendu, il y a un type qui a sauté depuis une altitude de trente-neuf kilomètres et les sept minutes de sa chute lui ont paru beaucoup plus longues qu’une vie de Basque, il y a un Dieu ancien qui a créé tout un monde en sept jours paraît-il, alors bon, moi, les durées, je sais plus trop quoi en penser. Il reste les faits.

- Et les faits, ce sont les moments. Et les moments, il y en a eu tellement, qu’on n’a fait que leur écrire après, comme on dit courir après. On en évoque quelques-uns, puis on renonce, car les nuits avancent, les familles d’accueil te servent des haricots, et les trains n’attendent pas. A la place, on s’en remet à d’autres qui disent tout cela mieux, ou plus synthétiquement, comme ton cher Blaise. Et on se demande un peu ce que les lecteurs, aux quatre coins du blog, ont comme image de notre voyage…

- C’est un peu le Multimonde de notre vieux roublard, et on le croit sur pièce. J’aurais encore des centaines de choses à te dire, mais il va falloir continuer à distance. Ça sert aussi à ça, le Global Village. Allez, le train arrive. Un dernier petit Cendrars, pour la route, et pour préparer ta transition sud-américaine : «  J’étais venu à ta rencontre / Tupa / La belle nature / Les étalons s’enculent / 200 taureaux noirs mugissent / Tango-argentin ». Fais-les valser, tes six mois ! Hasta luego !

- Allez, file. Et perds pas le swing.

Boys

2 Responses to Dialogue avant de partir

  1. Pap's

    Et ainsi s’achève une nouvele tentative de départ, et ainsi s’alimente le spleen. Et au 7ème jour il se reposa de ses oeuvres. Cette fois Camille t’attends à Paris, ne te trompe pas! Bonne arrivée, Dan, et merci de m’avoir fait vivre ces moments de dialogue. Pap’s

  2. Calude

    Finis les dialogues délirants avec Daniel. Heureusement, il te reste le blog, Skype et les discussions avec toi-même..
    Calude

Laisser un commentaire

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>