D : J’ai eu la sensation toute la nuit que j’embrassais des vagues, que je progressais dans l’eau, difficilement, avec une planche en mousse, à la recherche du rouleau parfait. Et t’as entendu cet orage de malade ?
M : Oui, mais c’était pas un orage, c’était « San Sebastián », comme l’a dit le mec de l’auberge en sortant dans la rue, tout à l’heure, et en regardant le ciel, et en haussant les épaules.
D : C’est vrai qu’ils ont l’air habitués à ce drôle de temps celtique, ici, avec leurs parapluies XXL. Il y avait que toi en K-way dans tout le quartier romantico. Et avec cette rose rouge que vient de te tendre une gentille dame du Parti socialiste ouvrier espagnol…
M : …C’est que je suis un romantique au premier sens du terme. Comme toi, avec ta planche en mousse. Tu as remarqué comme on fixait les vagues se brisant sur la plage, tout à l’heure ?
D : Ouais c’est dingue ce truc, je comprends mieux l’addiction maintenant. D’ailleurs ici ils surfent même sous la pluie. Tu vas vraiment tout laisser tomber pour le surf : l’écriture, les pintxos, les filles ?
M : Oui, tout. Dès que je débarque à New York, je descends en Floride. Et ensuite je fais 5 mois de surf sur la côte chilienne. Il n’y aura plus que de photos de vagues sur ce blog. Je leur donnerai des petits noms.
D : Tu risques de perdre un peu de ton lectorat. D’un côté, il nous manque encore ce grand roman suisse de surf, c’est sûr. Il y a un filon.
M : Oui. Le protagoniste serait un graphiste passant ses journées à Versoix, devant le Léman, à photoshoper le lac pour lui attribuer des rouleaux de deux mètres de haut. Et à la fin de la journée, il mangerait un filet de féra. Une idée de titre ?
D : Tsunami sur la rade si tu choisis d’en faire un roman policier, La Grande Peur dans le montage si c’est un graphic novel ramuzien, L’Appel de la marée si c’est pour les enfants, La Vague brune des Pâquis si c’est du soft-porn, et La Dernière tentation du Grand-Versoix si tu veux créer la polémique…
M : Moui. Ou alors : Cinquante nuances de bleu… Et à part ça, on va partir quelques jours au fond de la Navarre, entre les fleuves Aragon et Ebre. Comment tu vas faire, sans ton Atlantique ?
D : Bah, c’est mon truc, de m’attacher et puis de m’écorcher, tu sais. Pour le moment je gère. Et puis l’Atlantique, si on en croit Jivé, ça n’existe qu’en Bretagne ! J’ai déjà hâte de louer une voiture, filer voir ce petit bout d’Amérique du Sud basque ! Tu crois que sous la pluie ça le fait quand-même ?
M : Tu sais, une fois, en Irlande du Nord, j’ai pris un ferry pour aller sur une petite île. C’était le mois d’avril, il neigeait, le seul restaurant de l’île était fermé, je me suis trempé jusqu’aux genoux en essayant de trouver une grotte qui s’appelait Bruce’s Cave et que je n’ai pas trouvée. C’était génial.
D : J’ai eu quelque chose de similaire à Istanbul en avril, de retour du Sud. Une semaine de pluie ininterrompue, au milieu du quartier populaire. Une des plus belles semaines de ma vie. …Navré pour les traces de graisses sur ton clavier, mais ces pintxos, c’est presque fictif tellement c’est bon !
M : Ah, et ces serviettes en papier espagnoles qui n’épongent strictement rien… Que j’aime ce pays. Même si l’ETA ne l’aime pas.
D : En même temps, les sympathisants qu’on a vus hier soir, dans ce bar-cafète au néon de la calle Juan Bilbao, avaient quinze ans, parlaient espagnol et pensaient plus à vider leurs verres de cidres qu’à faire péter des voitures à Madrid.
M : C’étaient pas des sympathisants, mais des contributeurs inconscients, comme nous… Mais méfie-toi : à côté des botellones, les jeunes Espagnols se sont secoués. J’en ai surpris à parler politique. C’est ça la crise.
D : Ouais, la crise des pintxos, on a presque tout bouffé… Faut qu’on se mette en piste d’un autre bar pour le souper. Tu crois qu’il pleut toujours dehors ?
M : Oui, surfeur d’argent, il pleut toujours. Comme cela, on arrosera la rose.
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5 Responses to Dialogue sous la pluie
Ah ah ah les Écrivains de San Sebastian
Pourquoi croyez-vous que le Pays Basque est aussi… Vert?????..;-)
Ai passe un hiver sur place et ici cela semblait La Côté d’Azur au point de vue météo…
En revanche la gentillesse des gens, leurs sourires, leur réelle joie de vivre font contraste chaque fois que je « rentre » en Suisse pour gagner ma croûte pour mieux repartir rêver des heures au bord de l’ Océan…;-)
J adoooore ce que vous faites, les reporters, j adoooore, c est bon pour la tête comme…. Et excellent pour les insomnies!
Bises lemaniques de 21 degrés et SOLEIL prévus pour tout à l heure!!!!!
J’ai bien ri. Bisous.
D. + M. = <3
Vous êtes cute, je crois que je vais lire ce blog… mou!
Un poco mas al Sur, chicos, vous allez trouver la Casona de mi hermana Ana de La Fuente, au lieudit Andrin, près de Llanes, Asturias. Vos chevaux y trouveront pitance et vous serez régalés à l’avenance. Anda bonitos.
Juan Luis
Merci à tous, cute, insomniaques et hispanophones! Hélas, Juan Luis, le Kid est parti vers Paris, et moi vers le Sud. Il nous a manqué quelques jours pour aller voir Bilbao, Asturias y tu hermana…